Gotham City, omniprésente et vibrante, devient un personnage à part entière. Corrompue jusqu’à la moelle mais étrangement vivante, elle reflète les luttes et les injustices qui gangrènent la société. Dans cette ville oppressante, chaque ruelle raconte une histoire. Cet univers dépeint par Reeves puise également dans la philosophie du Joker de Todd Phillips. À l’instar d’Arthur Fleck, qui humanisait les origines du Clown Prince du crime, The Batman humanise Gotham elle-même : un lieu en ruine, certes, mais animé d’une humanité brute et imparfaite, où l’espoir et le chaos s’entrelacent.
Parmi les séquences mémorables, la poursuite entre Batman et le Joker s’impose comme un chef-d’œuvre de mise en scène. Ce n’est pas une simple course-poursuite spectaculaire : c’est un duel psychologique, un face-à-face sous tension entre deux forces opposées. Dans cet enchaînement frénétique, chaque virage, chaque regard, chaque impact résonne comme une lutte acharnée entre l’ordre et l’anarchie. La cinématographie, sublimée par la musique envoûtante de Michael Giacchino, transcende cette scène pour en faire un moment d’anthologie.
Un autre point fort du film est l’antagoniste principal, Edward Nashton, alias le Riddler. Paul Dano livre une prestation glaçante en donnant vie à un méchant complexe et terriblement humain. Nashton n’est pas un simple criminel mégalomane ; il est le miroir sombre de Bruce Wayne. Partageant une enfance brisée et une obsession pour la justice, il choisit une voie radicalement différente, semant le chaos avec des énigmes aussi brillantes que dérangeantes. Le Riddler incarne le mal sous sa forme la plus intellectuelle, forçant Batman à affronter ses propres limites et failles.
C’est dans ce contexte déjà riche que The Penguin s’impose comme une extension naturelle et captivante. Colin Farrell, méconnaissable sous le maquillage, offre une interprétation magistrale d’Oswald Cobblepot. Couronné d’un Golden Globe du meilleur acteur dans une série Dramatique, Farrell transcende le personnage, lui insufflant une profondeur psychologique rare.
A mi-chemin entre anti-héros et homme de main opportuniste, son Cobblepot rappelle les figures mythiques de The Sopranos, notamment Tony Soprano lui-même. Ces figures complexes, naviguant entre l’humanité et la monstruosité, explorent des dilemmes moraux profonds qui enrichissent le récit.
L’esthétique et l’ambiance de la série rappellent également la trilogie de jeux vidéo mafia. Connue pour son immersion dans les mondes criminels des années 1930 à 1960, cette franchise culte a marqué les esprits par sa narration cinématographique et ses personnages mémorables. The Penguin reprend cette essence, offrant une plongée dans les bas-fonds de Gotham où la trahison, les alliances et la loi du plus fort façonnent le destin des personnages.
Le scénario de la série est une véritable prouesse. Les intrigues complexes, les dialogues incisifs et les retournements de situation tiennent en haleine jusqu’à la dernière minute. La fin, brutale et cruelle, frappe par son audace. Elle n’offre pas de consolation facile, mais agit comme un prélude à des développements futurs encore plus sombres et fascinants. Ce choix narratif, à la fois amer et captivant, reflète l’essence même de Gotham : un monde où la lumière n’existe que pour mieux souligner l’ombre.
Outre Farrell, le casting de The Penguin est une réussite éclatante. Cristin Milioti brille dans le rôle de Sofia Falcone, une héritière aussi intelligente qu’impitoyable. Rhenzy Feliz et Clancy Brown apportent une richesse supplémentaire à l’ensemble, incarnant des personnages multidimensionnels qui enrichissent le panorama gothamien. Chaque interaction entre ces figures est soigneusement travaillée, renforçant la profondeur et l’authenticité de cet univers.
Avec cette série, Matt Reeves annonce des ambitions toujours plus grandes pour l’avenir. The Batman 2, déjà en développement, promet de repousser les limites de cet univers. Reeves explore sans relâche la psyché de ses personnages, tout en élargissant le cadre de Gotham. Ce second opus est déjà attendu comme un chef-d’œuvre en devenir, capable de marquer durablement l’histoire du cinéma de super-héros.
L’héritage de The Batman réside dans sa capacité à transcender son genre, offrant une réflexion sur la noirceur humaine, la rédemption et les dilemmes moraux. Avec The Penguin et les promesses de The Batman 2, Matt Reeves nous offre un univers riche, captivant et profondément humain. Cet équilibre entre le spectacle, la narration et l’introspection redéfinit les attentes, et place Gotham au cœur d’une mythologie moderne inoubliable.
Par Salaheddine Lalouani
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