La majorité numérique s’entête à passer son projet de loi affectant le droit de grève

Anwarpress FR mercredi 5 février 2025 - 11:00
Le gouvernement a une nouvelle fois fait preuve d’aveuglement politique. Abusant de sa majorité numérique, il a fait passer, lors d’une séance législative tenue lundi dernier, le projet de loi organique n° 97.15 fixant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève, tel qu’il a été modifié, et ce malgré la farouche opposition de la quasi totalité des centrales syndicales dont notamment la Fédération démocratique du travail (FDT) et des principaux partis de l’opposition, à leur tête l’USFP, l’un des fondateurs du Front pour la défense du droit de grève.

Le Groupe socialiste-Opposition ittihadie à la Chambre des conseillers a voté contre ce projet de loi organique, tout comme le groupement parlementaire de la Confédération démocratique du travail (CDT) et les deux conseillers de l’Union nationale du travail au Maroc, tandis que les membres du groupe de l’Union marocaine du travail (UMT) n’ont pas pris part au vote en signe de protestation contre la version actuelle dudit projet de loi.

Le Groupe socialiste-Opposition ittihadie a souligné que la mouture actuelle de la loi organique sur la grève « soulève de multiples problématiques fondamentales affectant la nature même de ce droit et son exercice effectif », considérant que ce projet de loi concerne uniquement les salariés soumis à la législation du travail et de la fonction publique, faisant fi de la réalité du marché du travail, lequel est marqué par une forte proportion du travail informel et la multiplicité des catégories professionnelles.

Par ailleurs, la CDT a critiqué ce qu’elle considère comme une « restriction » au droit constitutionnel et universel à la grève, tandis que l’UNTM a estimé que le gouvernement « a privilégié la logique de la majorité numérique » dans l’examen du projet de loi sur la grève.

Il convient de rappeler que lors de cette  séance,  il a été procédé à la présentation du rapport de la Commission de l’éducation, des affaires culturelles et sociales qui a fait état de 218 amendements proposés par les groupes et groupements parlementaires ainsi que par des conseillers non affiliés. S’y ajoutent des propositions présentées par le gouvernement lors de la réunion de la Commission consacrée à l’examen et au vote dudit projet, portant à 247 le nombre total des amendements soumis.

Selon ce rapport, les amendements se répartissent comme suit : 29 proposés par le gouvernement, 13 par les groupes de la majorité et le Groupe constitutionnel démocratique et social, 31 par le Groupe Haraki, 30 par le Groupe de l’Union générale des travailleurs au Maroc (UGTM), 24 par le Groupe socialiste-Opposition ittihadie, 42 par le Groupe de l’UMT, 33 par le Groupe de la Confédération démocratique du travail (CDT) et 28 par les députés conseillers de l’UNTM.

Pour rappel, en novembre dernier, l’USFP a exprimé son opposition à ce projet de loi organique liberticide. En effet, Driss Lachguar a plaidé, lors du 8ème Congrès national du Syndicat démocratique des phosphates affilié à la FDT, pour une approche équilibrée et respectueuse des droits des travailleurs. « Sans cadre législatif clair, nous risquons de sombrer dans le chaos» a-t-il mis en garde, tout en promettant de s’opposer fermement à toute loi inappropriée qui compromettrait les acquis sociaux. 

Durant ledit mois, un Front pour la défense du droit de grève a vu le jour pour faire face au projet de loi sur le droit de grève qui est perçu par de nombreux acteurs sociaux et politiques comme une attaque frontale contre les acquis sociaux de la classe ouvrière, fruits de plusieurs décennies de luttes syndicales et politiques. 

Ceux-ci rappellent que le droit de grève est considéré comme un pilier de la démocratie sociale et un baromètre de l’état des libertés publiques dans le pays. Sa restriction, sous quelque forme que ce soit, pourrait avoir des répercussions profondes sur le climat social et la confiance entre les citoyens et les institutions.

Les fondateurs de ce Front remettent en cause la méthodologie adoptée par le gouvernement. Ils dénoncent notamment l’absence totale de concertation avec les partenaires sociaux et les forces vives de la société civile. Or, pour eux, une réforme de cette envergure, touchant un droit aussi fondamental, ne saurait être élaborée sans une consultation large et inclusive. Ils insistent sur la nécessité d’une approche participative, qui permettrait d’intégrer les perspectives des travailleurs, des syndicats et des experts en droit social, afin de garantir une législation équilibrée et juste.

Après l’approbation par la Chambre des conseillers du projet de loi organique relatif au droit de grève, ce texte doit être soumis à la Cour constitutionnelle conformément à l’article 132-alinéa 2 de la Constitution. Celui-ci dispose que « les lois organiques avant leur promulgation et les règlements de la Chambre des représentants et de la Chambre des conseillers, avant leur mise en application, doivent être soumis à la Cour constitutionnelle qui se prononce sur leur conformité à la Constitution ».

Il n’en reste pas moins qu’une forte tension sociale ne tardera pas à se manifester pour dénoncer cette dérive liberticide à travers des mouvements de grève (justement) et de nombreuses manifestations.

Mourad Tabet


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