Tant de vœux à formuler en cette Journée de la Terre

Tant de vœux à formuler en cette Journée de la Terre
Anwarpress FR lundi 21 avril 2025 - 15:00
En ce 22 avril, alors que la communauté internationale célèbre la Journée de la Terre, le Maroc se trouve face à un paradoxe environnemental de plus en plus préoccupant. D’un côté, le Royaume se présente comme un leader africain en matière de transition énergétique, avec des projets solaires ambitieux et des engagements climatiques salués à l’international. De l’autre, la réalité quotidienne des Marocains révèle une dégradation accélérée des écosystèmes, une raréfaction alarmante des ressources en eau et des inégalités criantes dans l’accès aux solutions écologiques. 

Ce constat, plusieurs ONG marocaines le martèlent depuis des années : entre la financiarisation des solutions climatiques et l’exploitation intensive des ressources naturelles, le modèle de développement actuel montre ses limites. A l’occasion de cette Journée de la Terre 2025, il est plus que jamais nécessaire de poser la question : le Maroc est-il en train de verdir son économie, ou simplement de repeindre en vert un système toujours prédateur ? 
 
Une dégradation environnementale aux conséquences lourdes et durables
 
Les signaux d’alarme environnementaux s’intensifient au Maroc. Plus de deux décennies après le premier Rapport national sur l’environnement (2001), les constats se sont aggravés. Les données les plus récentes – issues des rapports du Haut-Commissariat au Plan (HCP), du ministère de la Transition énergétique et du Développement durable, de la Cour des comptes, mais aussi d’organisations internationales comme la Banque mondiale et le PNUE – dressent un tableau préoccupant.
 
Un stress hydrique extrême
 
Le Maroc est aujourd’hui classé parmi les 25 pays les plus exposés au stress hydrique dans le monde, selon le World Ressources Institute. La disponibilité en eau par habitant, qui était de 1.500 m³ dans les années 60, a chuté à 645 m³ en 2023, soit bien en dessous du seuil critique de pénurie fixé à 1.000 m³/hab/an par l’ONU. A l’origine de cette crise : un dérèglement climatique aigu (sécheresses à répétition, hausse des températures), une surconsommation agricole (87% de l’eau douce est utilisée par le secteur), et une gestion inefficace des ressources.

De nombreuses nappes phréatiques sont surexploitées, parfois à un rythme 5 à 10 fois supérieur à leur capacité de renouvellement. La pollution des eaux de surface – notamment dans les régions industrielles de Fès, Casablanca ou Agadir – et la salinisation des sols aggravent la situation.
 
Une empreinte écologique en hausse, une biocapacité en recul
 
Entre 1999 et 2010, l’empreinte écologique par habitant est passée de 1 à 1,47 hectare global (hag), et elle continue de croître. Le Maroc consomme bien plus de ressources naturelles qu’il n’en régénère. Sa biocapacité, soit la surface productive disponible pour fournir les ressources et absorber les déchets, a diminué de près de 30% depuis 1960, en raison de la déforestation, de l’érosion des sols et de l’urbanisation non maîtrisée.
 
Une biodiversité en péril
 
La richesse biologique du Maroc, autrefois considérée comme exceptionnelle, est aujourd’hui menacée. Le pays a déjà perdu ou gravement compromis l’habitat de nombreuses espèces endémiques. Les données actualisées de la biodiversité nationale recensent la disparition ou la mise en danger de plus de 1.700 espèces végétales (en majorité dans les zones arides du Sud et les forêts méditerranéennes du Rif), de près de 620 espèces animales terrestres, dont des espèces emblématiques comme la gazelle dama, le lynx caracal ou le mouflon à manchettes, de plus de 100 espèces marines, fragilisées par la surpêche, le dragage, et l’acidification des océans et d’environ 120 espèces d’oiseaux, victimes de la destruction des zones humides et de l’urbanisation.
 
Un coût économique invisible mais massif
 
La Cour des comptes, dans son rapport de 2022, estime que la dégradation environnementale coûte chaque année entre 3,5% et 5% du PIB au Maroc. Ce chiffre englobe les pertes agricoles liées à la désertification, les coûts sanitaires dus à la pollution atmosphérique et hydrique, et les dépenses liées aux catastrophes naturelles (inondations, glissements de terrain, etc.). La Banque mondiale avait déjà évalué en 2000 ce coût à 4,59% du PIB, un chiffre qui a probablement augmenté.
 
Mesures insatisfaisantes
 
Face à l’ampleur de la dégradation environnementale, les autorités marocaines ont certes multiplié les initiatives au cours des dernières années. Parmi les mesures phares : la création de nouvelles stations d’épuration, notamment dans les villes de Laâyoune, Ouarzazate et Taza; le déploiement accéléré du programme Noor pour l’énergie solaire, qui place le Maroc parmi les pays africains les plus avancés dans la transition énergétique; ou encore le lancement en 2023 du Plan national de reboisement 2030, qui ambitionne de planter plus de 600.000 hectares de forêts d’ici la fin de la décennie.

Mais ces actions, bien qu’ambitieuses sur le papier, peinent à compenser l’intensité de la crise écologique. La mise en œuvre reste très inégale selon les régions, et les résultats tardent à se faire sentir sur le terrain. Les populations rurales, en particulier dans les provinces du Sud, du Moyen Atlas et du Rif, souffrent d’un retard criant dans l’adaptation au changement climatique. Les infrastructures hydrauliques y sont souvent vétustes ou inexistantes, rendant difficile l’accès à une eau potable de qualité, tandis que les agriculteurs peinent à s’adapter à la baisse de la pluviométrie et à la montée des températures.

Par ailleurs, les lois environnementales adoptées depuis les années 2010 – comme la loi-cadre sur l’environnement et le développement durable (2014) – restent souvent inappliquées. Les rapports annuels de la Cour des comptes ont à plusieurs reprises souligné le manque de coordination entre les différents ministères (Agriculture, Environnement, Intérieur) et les collectivités territoriales, ainsi que l’absence d’un système efficace de contrôle et de sanction.

La société civile et les ONG locales tirent la sonnette d’alarme. Elles réclament un recentrage des politiques environnementales autour des populations les plus vulnérables, et une décentralisation plus poussée de la gouvernance écologique. Car si le Maroc affiche de grandes ambitions sur la scène internationale – à l’image de son rôle moteur lors de la COP22 à Marrakech – le fossé entre les engagements politiques et la réalité du terrain demeure préoccupant.

Hassan Bentaleb


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