Le projet d'une nouvelle gare routière à Marrakech suscite une grande polémique : Imbroglio juridique et enjeux fonciers

Le projet d'une nouvelle gare routière à Marrakech suscite une grande polémique : Imbroglio juridique et enjeux fonciers
Anwarpress FR mardi 13 mai 2025 - 11:05
La construction d’une nouvelle gare routière à Marrakech, censée incarner un saut qualitatif dans les infrastructures de transport urbain, se retrouve aujourd’hui au centre d’une controverse mêlant intérêts économiques, flou juridique et absence de concertation.

Si l’initiative a été saluée dans un premier temps par l’opinion publique locale comme un pas vers la modernisation, elle soulève désormais des interrogations profondes sur la transparence de la gouvernance urbaine et le respect des règles du droit commercial et administratif, révèle une plainte déposée auprès du Parquet de Marrakech par l’Association marocaine de la protection des biens publics – Bureau régional.

Un projet salué… mais imposé

C’est dans le cadre du mandat communal 2009-2015 que le conseil de la ville de Marrakech a validé un projet ambitieux : ériger une nouvelle gare routière à Al Azouzia, au sud de la ville, accompagnée d’une station de taxis et de l’extension du marché municipal. L’ensemble devait être implanté sur un terrain domanial de six hectares, relevant de l’Etat, et loué à la commune pour une somme annuelle de 127.200 dirhams – soit 21.200 dirhams par hectare. A première vue, un partenariat exemplaire entre collectivité territoriale et domaine public.
Mais en coulisses, le dossier est loin d’être limpide.

Une décision prise sans les principaux concernés

Le hic ? La décision de construire cette nouvelle gare a été prise sans consulter ni obtenir l’accord des principaux opérateurs du secteur. Or, les professionnels du transport détiennent 60% des parts de la société gestionnaire de l’actuelle gare routière de Bab Doukkala, contre 20 % pour la commune de Marrakech et 20 % pour la Société nationale des transports et de la logistique (SNTL).

Selon les statuts de cette société à gestion tripartite, toute initiative concurrente, comme la création d’une nouvelle gare, nécessite l’accord de l’ensemble des associés. Cet impératif juridique n’a manifestement pas été respecté, selon les professionnels, qui crient à la violation flagrante du droit des sociétés et à un passage en force de la part des autorités locales.

Un projet à visée foncière ?

Les professionnels n’hésitent pas à parler d’un projet guidé non pas par l’intérêt public, mais par des convoitises foncières. Ils pointent du doigt une tentative d’appropriation du terrain stratégique de l’actuelle gare de Bab Doukkala, dont la valeur serait estimée à quelque 500 millions de dirhams (50 milliards de centimes), selon une expertise dont les détails restent à vérifier.

Ces accusations, si elles sont avérées, pourraient constituer une atteinte grave au principe de gestion transparente des biens publics et à la neutralité de l’action municipale.

Des irrégularités juridiques en série

Le bail consenti pour l’emplacement de la nouvelle gare routière contient une clause lourde de conséquences : toutes les constructions et améliorations apportées par la commune reviendront à l’Etat sans aucune indemnisation à l’issue du contrat ou en cas de résiliation. Ce transfert automatique de propriété, s’il n’est pas contrebalancé par un avantage contractuel clair pour la commune, soulève la question de l’intérêt réel de l’opération pour les finances publiques locales.

De plus, les professionnels interrogés par l’Association marocaine pour la protection des biens publics dénoncent un processus de validation opaque, en marge des mécanismes de concertation prévus par la loi. Le flou persiste également sur l’existence d’un accord formel du conseil communal concernant ces conditions de location léonines.

Une succession d’accords préliminaires contestables

Entre 2015 et 2017, le projet a reçu pas moins de trois accords préliminaires de la Commission des dérogations, autorisant tour à tour sa création, son extension, puis la modification de cette dernière. Cette accumulation de dérogations interpelle: pourquoi un tel besoin d’adaptations successives? Et surtout, ces décisions ont-elles fait l’objet d’un contrôle de légalité suffisant?

Un appel à la transparence et à la responsabilité

A travers ce dossier, c’est toute la question de la gouvernance locale et de la gestion du patrimoine foncier qui est posée. Le Bureau régional Marrakech de l’Association marocaine pour la protection des biens publics appelle à un audit approfondi du projet, à la lumière des règles du droit public, du droit des sociétés et de la bonne gouvernance.

Selon ses membres, il est urgent de remettre au cœur des décisions publiques les principes de transparence, de légalité et de participation, sans lesquels les grands projets urbains risquent de devenir les vecteurs d’intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.

Hassan Bentaleb


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