Son Parti socialiste a remporté plus de 52% des voix aux législatives de dimanche, selon les résultats officiels publiés mardi à minuit par la commission centrale électorale, offrant à Edi Rama un quatrième mandat inédit à la tête du pays.
J’avais d’autres projets (…) Mais la responsabilité de diriger le gouvernement de son pays est le plus grand honneur possible. Je suis un artiste qui fait le Premier ministre de l’Albanie
Les portes d’entrée vers Bruxelles qu’il ambitionne de franchir « d’ici 2030 », sont, dit-il, l’assurance d’un passeport européen pour les citoyens de ce petit pays des Balkans, qui est resté sous le joug, des décennies durant, d’une des dictatures les plus fermées au monde.
Cet ancien élève de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris dans les années 90, dont les toiles tapissent le bureau, a entamé sa carrière politique juste avant la chute du régime communiste d’Enver Hoxha à la fin des années 80. Avec une ambition: moderniser son pays de 2,8 millions d’habitants pour l’arrimer au continent européen.
Les négociations en vue de l’adhésion à l’UE ont été entamées en 2022. Entretemps, Donald Trump a été réélu président, et c’est « peut-être une formidable opportunité de faire les choses différemment pour nous et pour le monde », estime M. Rama, « une occasion de voir l’Europe elle-même un peu différemment parce que l’Europe vieillit ».
Né en 1964, fils d’un sculpteur et d’une médecin, cet homme considéré comme autoritaire n’a de cesse de répéter que « l’Union européenne est surtout un projet de paix et de prospérité construit ensemble ».
Fort de cette vision, il fut en 2014 le premier chef du gouvernement albanais à visiter Belgrade en près de sept décennies. Avec l’Italie, il a signé un accord en vue d’une solution controversée pour gérer l’immigration irrégulière: l’ouverture de deux camps d’accueil sur le sol albanais gérés par Rome.
Convaincu d’avoir été privé du pouvoir par des fraudes aux législatives en 2009, Edi Rama, un orateur hors pair, avait fini par faire descendre dans la rue ses soutiens pour des manifestations violemment réprimées. Quatre personnes sont alors tuées par la garde nationale qui tire sur les manifestants. Quelques mois plus tard, le socialiste l’emporte.
Depuis, M. Rama, cheveux et barbe poivre et sel, très grand, amateur de basket-ball, dit vouloir faire de l’Albanie un « pays moderne régi par la loi ». Il impose au forceps à l’été 2016 une réforme de la justice fortement soutenue par l’UE et visant à lutter contre la corruption et renforcer l’Etat de droit en Albanie.
Le parti démocratique (droite), derrière sa figure tutélaire Sali Berisha, l’attaque avec virulence, affirme qu’il entretient des liens avec le crime organisé, que son entourage est corrompu. Lui balaie de la main ces accusations, défend sa cause d’intégrer l’UE, une aspiration soutenue par une majorité de ces concitoyens.
La rivalité entre les deux hommes remonte aux années 90, quand Rama quitte un mouvement étudiant accusant Berisha de se montrer complaisant par opportunisme à l’égard des communistes.
Edi Rama a bâti sa renommée internationale lorsque, maire de Tirana (2006-2011), il a fait recouvrir de couleurs vives des bâtiments. La presse occidentale l’a couvert de louanges, même si cette rénovation ne concernait que quelques rues de l’hyper-centre d’une capitale malade d’une urbanisation galopante et chaotique.
Comme Premier ministre, il est revenu à sa passion en soutenant de grands projets de construction signés des meilleurs architectes.
Il manie l’art comme un instrument de communication politique. Il n’hésite pas à présenter ses propres toiles lors d’expositions internationales ou d’assister en cravate colorée et baskets dessinés par ses soins aux grands rendez-vous politiques européens.
« J’avais d’autres projets » que la politique, assure-t-il, « mais la responsabilité de diriger le gouvernement de son pays est le plus grand honneur possible. Je suis un artiste qui fait le Premier ministre de l’Albanie ».
Il assume aussi être un « instagrameur » compulsif: pour apaiser les protestataires ou ridiculiser l’opposition, il use (abuse, disent ses adversaires) des réseaux sociaux où il cumule notamment 1,6 million d’abonnés sur Facebook.
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