« Toutes les régions du Royaume ont enregistré une baisse du taux de pauvreté multidimensionnelle au cours de la dernière décennie, avec des reculs particulièrement nets dans les zones initialement les plus touchées », indique l’institution publique dans une synthèse de son étude intitulée «Cartographie de la pauvreté multidimentionnelle: Paysage territorial et dynamique».
D’après les résultats de cette étude, qui s’appuie sur les données des recensements généraux de la population et de l’habitat de 2014 et 2024, «en valeur absolue, le nombre de personnes concernées a diminué d’environ 4 millions à 2,5 millions. Parallèlement, l’intensité de la pauvreté, mesurée par le pourcentage moyen des privations subies par les pauvres, s’est légèrement atténuée, de 38,1% à 36,7%», précise l’institution.
Combinant ces deux baisses, l’indice de la pauvreté multidimensionnelle, qui extrapole ces privations à l’ensemble de la population marocaine, a été quasiment divisé par deux, reculant de 4,5% à 2,5% sur la décennie, ressort-il de la dernière actualisation de son rapport.
Précisons que les données recueillies montrent que les baisses les plus marquées ont concerné Marrakech-Safi (–7,9 points de pourcentage), Béni Mellal-Khénifra (–7,5 points), Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (–6,8 points) et Drâa-Tafilalet (-6,7 points), toutes caractérisées en 2014 par des niveaux élevés de pauvreté.
Il ressort, en revanche, des mêmes chiffres que les diminutions sont restées modestes dans les régions du Sud et les grandes régions urbaines, où les taux étaient déjà bas: –0,9 point à Laâyoune-Sakia El Hamra, –2 points à Dakhla-Oued Ed Dahab, –2,4 points à Casablanca-Settat et -3,4 points à Rabat-Salé-Kénitra.
Par ailleurs, l’analyse des données révèle qu’en 2024, six régions affichent encore un taux de pauvreté multidimensionnelle supérieur à la moyenne nationale (6,8%), avec des pics à Béni Mellal-Khénifra (9,8 %) et Fès-Meknès (9,0%), tandis que Laâyoune-Sakia El Hamra (2,4%) et Dakhla-Oued Ed-Dahab (2,5%) affichent les taux les plus faibles.
Elles suggèrent en outre que cinq régions concentrent à elles seules près de 70% des personnes pauvres: Fès-Meknès (16,2% des pauvres), Marrakech-Safi (15,7%), Casablanca-Settat (13,5%), Rabat-Salé-Kénitra (11,9%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (11,5%).
Un autre enseignement de cette étude, c’est que la vulnérabilité à la pauvreté reste également fortement marquée par des disparités régionales. Deux régions affichent des taux à deux chiffres: Drâa-Tafilalet, avec un taux de vulnérabilité de 11,8%, et Marrakech-Safi (11,5%). Trois autres régions dépassent la moyenne nationale (8,1%): Fès-Meknès (9,1%), Béni Mellal-Khénifra (9%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (8,8%). A elles seules, ces cinq régions concentrent près de 60% de la population en situation de vulnérabilité, soit environ 1,7 million de personnes.
En dépit du recul net de la pauvreté au niveau provincial, l’étude fait état de poches de précarité persistantes à l’échelle des 75 provinces et préfectures du Royaume.
En effet, dans les territoires déjà quasiment épargnés par la pauvreté en 2014 (grandes villes et provinces du Sud), l’évolution est restée marginale : Casablanca (-0,3 point de pourcentage), Rabat (-0,5 point), Laâyoune (-0,6 point) et Mohammédia (-0,8 point).
A l’inverse, «les provinces initialement les plus démunies ont connu des baisses spectaculaires de la pauvreté: Azilal (-16,7 points de pourcentage), suivie de Chichaoua (-14,8 points), Essaouira (-13,8 points), Figuig (-12,5 points), Fahs-Anjra (-12,4 points), Chefchaouen (-12,4 points), Youssoufia (-11,8 points), Midelt (-11,5 points), Al Haouz (-11 points), Assa-Zag (-10,9 points) et Guercif (-10,3 points) », fait remarquer le HCP.
Malgré des améliorations enregistrées ici et là, la géographie provinciale de la pauvreté demeure contrastée en 2024, révèle l’étude notant que deux provinces rurales affichent encore des taux de pauvreté élevés, supérieurs à 20%: Figuig (24,1%) et Taounate (21,1%).
Pire, «cinq provinces enregistrent des taux plus de deux fois supérieurs à la moyenne nationale: Azilal (17%), Chichaoua (15,1%), Essaouira (14,8%), Taza (14,4%) et Ouezzane (13,6%)», comme le souligne le HCP précisant qu’à elles seules, ces provinces concentrent environ 20% de l’ensemble des personnes en situation de pauvreté multidimensionnelle.
Enfin, au niveau communal, il apparaît que les politiques de ciblage territorial ont porté leurs fruits. Ainsi, entre 2014 et 2024, une tendance générale à la baisse du taux de pauvreté multidimensionnelle a été observée à ce niveau.
D’après le Haut-commissariat, «cette amélioration concerne 93,8% des communes du Royaume, avec une dynamique plus marquée en milieu rural (95,5% des communes) qu’en milieu urbain (88,4%)».
Il est important de préciser que les réductions les plus marquées ont été observées dans les localités (communes rurales, arrondissements, municipalités, centres urbains) qui présentaient les taux de pauvreté les plus élevés en 2014.
Alain Bouithy
L’approche de la pauvreté multidimensionnelle reconnaît que les privations subies par les ménages ne se limitent pas au pouvoir d’achat mais aussi à leur accès à ces besoins fondamentaux. Cette approche repose sur trois dimensions : éducation, santé et conditions de vie, pondérées de manière égale.
Un ménage est considéré comme pauvre lorsqu’il cumule des privations représentant au moins 33% des indicateurs retenus. En dépassant la seule logique monétaire, ce changement de paradigme a le mérite de mettre en exergue les déficits sociaux qui affectent la qualité de vie et des inégalités souvent invisibles aux indicateurs monétaires.
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Mieux appréhender les privations en termes de déficits sociaux
S’appuyant sur les données des recensements généraux de la population et de l’habitat de 2014 et 2024, le HCP a élaboré une cartographie de la pauvreté multidimensionnelle afin de mieux appréhender les privations en termes de déficits sociaux dans les domaines de l’éducation, de la santé, du logement et de l’accès aux infrastructures de base. Cette cartographie propose une lecture intégrée des vulnérabilités structurelles et des inégalités sociales persistantes aux échelles régionale, provinciale et communale. Dans un contexte de régionalisation avancée, l’institution soutient qu’elle présenterait un outil opérationnel pour cibler des interventions adaptées aux réalités locales et améliorer les conditions de vie de la population.
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