La répression ne nous affaiblit pas, elle nous légitime.
Elle prouve que notre combat est juste
Dimanche 25 mai, lors du congrès fondateur de la FDT – Section M’diq-Fnideq -, le discours d’Aidi a résonné comme une gifle à l’hypocrisie ambiante. Un cri politique, social et humain qui devrait faire trembler les décideurs s’ils daignent encore entendre la voix des travailleurs.
Le choix de M’diq-Fnideq pour l’ancrage local de la FDT n’est pas anodin. Région frontalière fragilisée par la fermeture du poste douanier de Bab Sebta, elle est le miroir cruel des ravages d’un désengagement gouvernemental aux conséquences socioéconomiques catastrophiques. L’arrêt brutal du commerce transfrontalier a laissé sur le carreau des milliers de femmes et d’hommes, privés du jour au lendemain de leur seul moyen de subsistance.
La « zone économique spéciale », présentée comme solution miracle, n’a tenu aucune de ses promesses. Elle a reproduit le schéma usé des projets déconnectés du terrain, imposés sans concertation et sans vision pour les populations concernées. Ni emplois décents, ni alternative viable : juste un mirage de développement pour camoufler l’abandon politique d’une région entière.
Mais c’est en évoquant le sort des travailleurs du secteur privé que Youssef Aidi a frappé le plus fort : «Certains œuvrent, sans scrupule, à l’instauration d’un système d’esclavage dans le secteur privé», a-t-il asséné, sans détour. Cette phrase, grave, n’est pas une figure de style. C’est un diagnostic clinique de la réalité vécue chaque jour par une main-d’œuvre exploitée et précarisée.
Youssef Aidi
Certains œuvrent, sans scrupule, à l’instauration d’un système d’esclavage dans le secteur privé
Dans l’industrie, le textile, la logistique ou encore l’agroalimentaire, les conditions de travail sont souvent indignes : salaires inférieurs au minimum légal, absence de couverture sociale, absence totale de représentation syndicale et licenciements abusifs à la moindre tentative d’organisation collective. Pendant que les indicateurs macroéconomiques s’emballent et que les classements internationaux encensent la compétitivité du Maroc, ce sont les travailleurs qui en paient le prix fort, sans que leurs droits les plus élémentaires soient respectés.
Ce paradoxe, la FDT l’éclaire d’un jour cru : oui, le Maroc réussit dans certains secteurs industriels — mais sur le dos d’une classe ouvrière surexploitée et abandonnée.
Le cas des éducatrices et éducateurs du préscolaire, longuement évoqué dans le discours de Youssef Aidi, illustre l’ampleur du mépris institutionnel. Ils forment pourtant l’un des maillons essentiels du système éducatif, assurant l’éveil pédagogique de toute une génération. Et pourtant, ils exercent dans la précarité la plus totale, sans statut clair, ni contrat digne, ni même reconnaissance de leur rôle fondamental.
Le secrétaire général de la FDT exhorte cette catégorie à s’organiser en interne, à travers une structure dédiée au sein de la Fédération, afin de mener le combat pour leur intégration et la reconnaissance pleine et entière de leur travail. Il s’agit là d’un enjeu fondamental. Celui de reconstruire le tissu syndical de la base, pour défendre l’intérêt général face à un gouvernement aux abonnés absents.
La tentative d’empêcher la tenue du congrès à la Maison de la culture de M’diq est le dernier symptôme d’un autoritarisme rampant qui gangrène les libertés syndicales au Maroc. Aidi ne mâche pas ses mots : ce harcèlement administratif n’est que le prolongement d’un projet politique visant à neutraliser toute forme d’organisation indépendante.
Pourquoi cette peur panique de voir la FDT se structurer, se renforcer, se démocratiser ? Parce que la Fédération dérange. Elle casse les codes d’un syndicalisme clientéliste. Certains, selon les mots d’Aidi, « veulent un syndicat qui se lève uniquement sur commande ». En face, la FDT construit une contre-puissance réelle, populaire, structurée. Une menace pour ceux qui veulent tout contrôler.
En évoquant le scandale des syndicats fantômes qui raflent des sièges lors des élections, Aidi met le doigt sur une autre plaie : la fraude organisée, la manipulation des scrutins, la cooptation de structures sans base réelle. Une manière, encore une fois, d’empêcher l’émergence d’un syndicalisme de rupture, en phase avec les aspirations profondes des travailleurs marocains.
La Fédération démocratique du travail ne se fait aucune illusion sur les obstacles à venir. Mais elle avance, déterminée à rendre aux salariés leur voix, leur dignité, leur pouvoir. «Nous irons jusqu’au bout», a lancé Youssef Aidi. Et ce combat n’est pas seulement syndical: il est profondément politique.
Il s’agit de réhabiliter la justice sociale comme principe fondateur d’un véritable projet national. De rompre avec une logique qui réduit l’humain à une variable comptable. De dire non à un ordre néolibéral qui transforme la pauvreté en fatalité et le droit en luxe.
Le Maroc est à la croisée des chemins. Soit il choisit la voie de l’exploitation, soit il s’engage résolument vers un nouveau pacte social fondé sur la justice, l’inclusion et la démocratie réelle. Dans cette lutte de haute intensité, la FDT s’impose comme l’un des rares remparts restants contre la privatisation de la dignité humaine.
Mehdi Ouassat
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