Le chaos y est total : occupation illégale et anarchique de l’espace public, amas d’ordures, odeurs nauséabondes, nuisances sonores incessantes, chiens errants et bétail divaguant… Le tableau, d’un surréalisme affligeant, témoigne d’un effondrement manifeste des conditions élémentaires d’un cadre de vie digne. Dans un tel contexte, parler de développement urbain ou d’équité territoriale relève de l’absurde.
Au cœur de cette dégradation, les habitants se retrouvent piégés entre l’indifférence criante et l’abandon institutionnalisé. Aucun interlocuteur officiel ne se manifeste ; le silence des autorités locales est assourdissant, et le chef de l’arrondissement brille par son absence, laissant les deux quartiers face à un avenir aussi incertain qu’inquiétant. Dans ce vide administratif, les citoyens n’ont d’autre recours que les plaintes collectives. Notre alter ego, Al Ittihad Al Ichtiraki a ainsi reçu copie d’une plainte adressée aux autorités compétentes, sollicitant une intervention urgente pour restaurer un minimum de dignité et de salubrité.
Le marché informel, qui s’est progressivement étendu au détriment de cet espace vital, ne représente plus un simple dysfonctionnement ponctuel : il est devenu un fléau multiforme.
Selon ladite plainte, les signes de dégradation sont nombreux : montagnes de déchets, embouteillages chroniques, emprise totale des rues par des charrettes et des triporteurs, meutes de chiens errants semant la terreur, pollution sonore provoquée par des haut-parleurs assourdissants, sans oublier un langage vulgaire et outrancier qui offense la décence publique et perturbe le quotidien de toutes les générations.
Le tout se déroule au vu et au su de tous, y compris aux abords immédiats de la mosquée Al Firdaws, dont les alentours se sont transformés en décharge sauvage, dans un mépris flagrant pour la sacralité des lieux.
Mais la tragédie ne se limite pas aux seuls désordres environnementaux. Elle touche au plus profond de l’humain. L’accès des ambulances et des véhicules d’urgence au quartier est désormais impossible, mettant en danger la vie des habitants à tout moment. Les résidents se remémorent, avec une tristesse poignante, le décès d’un agent des douanes, dont les amis furent contraints de transporter le cercueil à bras d’homme à travers des ruelles étroites et saturées, dans l’impossibilité d’atteindre le cimetière à temps. Une scène qui résume l’ampleur de la détresse, posant avec acuité la question de la dignité humaine, jusque dans la mort.
Les élèves des établissements scolaires privés ne sont pas épargnés : les bus assurant leur transport sont fréquemment bloqués, forçant les familles à chercher des solutions de fortune, en l’absence de tout soutien des autorités de tutelle. Les personnes âgées et les malades, quant à eux, ont perdu la quiétude à laquelle ils devraient aspirer : leur quartier, censé être un havre de repos, est devenu un foyer de nuisances, de désordre et de dangers sanitaires.
Le constat est d’autant plus amer que cet espace, au positionnement stratégique au sein du tissu urbain, aurait dû devenir un pôle structurant, porteur de qualité de vie et catalyseur de services publics adaptés. Mais en l’absence d’une vision de gestion claire et face à la passivité complice des autorités locales, le lieu s’est mué en point noir, interpellant la crédibilité des institutions et leur engagement réel en faveur du bien commun et de l’ordre public.
En définitive, les habitants désabusés ne réclament pas l’impossible. Ils aspirent simplement à leur droit à la propreté, à la sécurité et à la tranquillité – une trilogie élémentaire qui résume les exigences minimales d’une citoyenneté respectée. Reste à savoir : quelqu’un daignera-t-il entendre leur appel ? Ou les quartiers de « Pam » et de « Manya » sont-ils condamnés à côtoyer chaque jour les ordures, les bêtes et les chiens, dans un vacarme perpétuel et un vide institutionnel abyssal ?
J.G
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