Agents d’autorité et autres autorités locales mobilisés pour mieux servir les MRE : Sauf que ça doit couler de source !

Agents d’autorité et autres autorités locales mobilisés pour mieux servir les MRE : Sauf que ça   doit couler   de source !
Anwarpress FR mardi 17 juin 2025 - 18:05
Chaque été, à l’approche du retour massif des Marocains résidant à l’étranger (MRE), les autorités marocaines réactivent une mécanique bien huilée de promesses et de mesures d’urgence. Directives gouvernementales, circulaires adressées aux walis et gouverneurs, discours empreints de bonne volonté : la mobilisation affichée vise ostensiblement à rassurer cette population clé, à la fois sur le plan économique — avec des transferts financiers records — et symbolique, tant les MRE incarnent un lien vivant entre le Maroc et le monde.

Mais derrière les annonces et les déclarations d’intention, une réalité beaucoup plus sombre persiste : celle d’un service public défaillant, lent, opaque et inégal. Depuis des années, les appels à l’amélioration de la qualité des services rendus aux MRE se succèdent, sans que des changements profonds et structurels ne soient mis en œuvre. Les mêmes maux reviennent, les mêmes discours sont répétés, et les mêmes frustrations s’accumulent. Décryptage.

Des instructions centrales… pour pallier l’inaction locale

Selon des informations rapportées par Hespress, de nouvelles directives ont récemment été émises par l’administration centrale aux différents échelons territoriaux (gouverneurs, caïds, présidents de collectivités) pour accélérer le traitement des dossiers administratifs des citoyens, et tout particulièrement des MRE. Ces instructions interviennent en réponse à des rapports inquiétants sur l’inaction et la négligence de plusieurs chefs de services collectifs, qui provoquent retards, mécontentement et, dans certains cas, litiges judiciaires.

Les autorités locales sont ainsi sommées de faire preuve de rigueur et de célérité, avec l’obligation de rendre compte régulièrement à la hiérarchie. Mais cette gestion conjoncturelle et réactive ressemble davantage à un pansement sur une plaie chronique qu’à un traitement de fond. Car les dysfonctionnements signalés aujourd’hui ne sont que les derniers symptômes d’un système qui, structurellement, échoue à garantir un service administratif fiable et équitable.

Les rapports émanant des préfectures et gouvernorats sont édifiants : prolifération des contentieux entre MRE et collectivités territoriales autour des permis administratifs, non-exécution de jugements rendus en faveur des citoyens, confusion juridique persistante, absence de suivi, et incapacité des conseils élus à assurer la continuité du service public, notamment après les vagues de révocations de présidents de collectivités.

Une perte de confiance grandissante chez les MRE

La Fondation Hassan II, censée jouer un rôle de médiateur entre les MRE et l’administration marocaine, dresse elle aussi un constat sévère. Lors d’une conférence tenue le 17 juillet 2024, elle a révélé que les MRE font face à des réponses inadéquates, tardives ou inexistantes de la part des administrations. Résultat : une perte de confiance généralisée dans le service public marocain.

Sur les 21.784 plaintes enregistrées ces dernières années, la Fondation a dû adresser plus de 32.000 correspondances à différentes entités — principalement le ministère de la Justice, le ministère public et le ministère de l’Intérieur. Le contentieux judiciaire représente à lui seul plus de 65% des réclamations, preuve que de nombreux MRE sont contraints de saisir les tribunaux pour faire respecter leurs droits fondamentaux.

Le ministère de la Justice tente de rassurer, sans convaincre

Face à cette situation préoccupante, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a mis en avant les efforts de son département pour améliorer l’accès des MRE aux services judiciaires. Il cite notamment la création de commissions d’été, composées de magistrats et de cadres, chargées de traiter spécifiquement les demandes de la diaspora entre le 15 juin et le 15 septembre. Il mentionne aussi trois cellules centrales de coordination et un centre d’appel mis en place pour fluidifier les échanges.

S’y ajoutent la numérisation de certains services — comme la consultation de dossiers ou la délivrance de casiers judiciaires — ainsi que le déploiement d’Adouls (notaires traditionnels) dans les consulats. Des brochures multilingues sont également diffusées pour expliquer les procédures juridiques.

Mais ces efforts, pour réels qu’ils soient, restent largement en décalage avec l’ampleur des dysfonctionnements dénoncés sur le terrain. La digitalisation est incomplète, les procédures demeurent opaques, les délais sont aléatoires, et les obstacles liés à la distance ou au manque d’accompagnement juridique sont rarement levés. Le ministre lui-même admet que des défis subsistent, notamment en matière de rapidité et de transparence.

Une réforme structurelle plus que jamais nécessaire

« Il est aujourd’hui illusoire de croire qu’une poignée de mesures ponctuelles, activées uniquement en période estivale, suffira à restaurer la confiance des MRE envers leur administration d’origine. Chaque été, les annonces gouvernementales promettent une mobilisation exceptionnelle des services, des «guichets spéciaux», des circulaires pour accélérer les démarches, des cellules de crise, parfois même des campagnes de communication ciblées. Mais une fois la vague estivale passée, l’élan retombe, les doléances s’accumulent de nouveau, et les mêmes lenteurs réapparaissent, comme si rien n’avait changé », témoigne une MRE établie en Espagne, sollicitant l’anonymat. Et de poursuivre : « Cette approche conjoncturelle et saisonnière ne fait que camoufler, temporairement, un mal bien plus profond : l’inefficacité chronique d’un système administratif déconnecté des besoins réels de ses usagers, qu’ils soient résidents ou expatriés. Or, les MRE ne demandent pas un traitement de faveur, mais un minimum de respect institutionnel, un droit à l’égalité dans l’accès aux services, à la transparence des procédures et à la justice ».

« Ce qu’il faut aujourd’hui, indique notre source, ce n’est pas un ravalement de façade, mais une refonte structurelle et durable du fonctionnement des services publics. Il est urgent de procéder à une simplification drastique des démarches administratives, souvent labyrinthiques, redondantes et opaques. Il faut également construire une interconnexion réelle et efficace entre les institutions — entre ministères, administrations locales, consulats et ambassades — pour éviter que le citoyen soit baladé de guichet en guichet ou confronté à des contradictions kafkaïennes dans le traitement de son dossier ».

Plus encore, ajoute-t-elle, il est impératif de promouvoir une culture de la transparence et de la redevabilité: la traçabilité des demandes, la clarté des délais, l’obligation de répondre aux usagers et, surtout, des mécanismes de recours efficaces pour contester les abus. «Cela suppose de sortir du modèle administratif paternaliste et vertical pour aller vers une administration de service, centrée sur les besoins des citoyens, à l’image des standards internationaux en matière de gouvernance», a-t-elle conclu.

Hassan Bentaleb


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