Cette initiative s’inscrit dans une dynamique de dialogue et d’ouverture portée par l’USFP, qui entend associer les universitaires, les chercheurs et les intellectuels aux réflexions stratégiques sur l’avenir politique et institutionnel du pays.
Abdellah Saaf
Baisse de l’intensité du débat politique
par rapport aux périodes précédentes
A l’ouverture de la première séance, dédiée aux réformes constitutionnelles et à l’édification démocratique au Maroc, Abderrahim Chahid, président de la Commission politique, a déclaré que cette rencontre vise à enrichir le débat autour des réformes à venir et à formuler des propositions novatrices, appelées à nourrir les travaux du prochain Congrès du parti.
D’après les organisateurs, la Commission politique, tout en mettant l’accent sur l’importance de la Constitution en tant qu’incarnation démocratique du contrat politique et du pacte social, vise à travers ce thème à mettre en valeur les acquis de la Constitution de 2011, à analyser les modalités et le degré de mise en œuvre de ses dispositions, ainsi qu’à identifier les principaux défis liés à l’achèvement de l’édification de l’Etat de droit, à l’instauration de la séparation les pouvoirs et à l’enracinement des fondements démocratiques.
Le deuxième axe choisi par les organisateurs a trait aux réformes politiques, élections et enjeu de la pratique démocratique.
Selon eux, «en raison du rôle central des élections comme pilier de la démocratie et instrument de participation pacifique au pouvoir, cette thématique a pour objectif d’analyser le cadre juridique des élections, les conditions politiques qui les entourent, ainsi que le rôle des différents acteurs, afin de parvenir à des élections transparentes, compétitives et conformes aux règles de droit, à même de renforcer la participation politique et la confiance dans les institutions élues et les acteurs politiques ».
Nadia Bernoussi
La démocratie ne se réduit pas à des textes,
mais doit s’incarner dans des pratiques politiques et institutionnelles cohérentes avec les aspirations citoyennes
Cette première séance, modérée par Abderrahim Chahid, a rassemblé trois intervenants, à savoir les professeurs Abdellah Saaf, Nadia Bernoussi et Abderrahim Manar Slimi.
Abdellah Saaf a ouvert le débat en constatant une baisse de l’intensité du débat politique par rapport aux périodes précédentes, ce qui révèle, selon lui, la nécessité de revisiter plusieurs dossiers fondamentaux liés à la démocratie. Il a mis en perspective les avancées du Maroc depuis la Constitution de 2011, tout en insistant sur les attentes sociales et politiques croissantes qui émergent après quatorze années de sa mise en œuvre.
Khaoula Lachguar
L’USFP a toujours fait du projet d’un Etat fort, d’une société solidaire et moderniste l’un des axes centraux de son programme
Il a rappelé l’importance de moments clés comme le discours du 9 mars 2011 et l’historique conférence d’Abderrahmane El Youssoufi sur la «méthode démocratique », en assurant que le renforcement des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire avait constitué un tournant décisif. Toutefois, Abdellah Saaf a noté les limites de la mise en œuvre de la Constitution, soulignant des écarts importants entre le texte et la pratique, et appelant à reconsidérer des enjeux fondamentaux tels que l’indépendance de la justice, les libertés individuelles et collectives, ainsi que le rôle de l’économie dans le champ politique.
De son côté, la constitutionnaliste Nadia Bernoussi a mis l’accent sur le rôle central de la culture politique dans l’application effective de la Constitution. Elle a affirmé que les revendications en matière de réformes politiques et constitutionnelles ne sont pas nouvelles, et que l’USFP a historiquement été à l’avant-garde de ce combat depuis la Constitution de 1962. Pour elle, la démocratie ne se réduit pas à des textes, mais doit s’incarner dans des pratiques politiques et institutionnelles cohérentes avec les aspirations citoyennes.
Quant à Abderrahim Manar Slimi, analyste politique et universitaire, il a salué le rôle des partis issus du mouvement national, dont l’USFP, dans la dynamique des réformes. Il a estimé que le moment est venu non pas pour changer la base constitutionnelle, mais pour réviser certains éléments de la Constitution de 2011, à la lumière de l’expérience accumulée et des transformations qu’a connues le pays.
Il a particulièrement mis en exergue l’importance de l’inscription du «choix démocratique » comme fondement de la Constitution de 2011, appelant à un débat institutionnel pour activer et garantir ce choix comme socle de la vie politique nationale.
L’Etat social au cœur des débats
La Commission politique a choisi de placer l’Etat social au cœur des débats de cette rencontre, dans le but d’évaluer l’état d’avancement de ses chantiers et de formuler des recommandations en vue de consolider, améliorer et pérenniser les acquis réalisés, afin de répondre efficacement aux besoins sociaux fondamentaux de l’ensemble des Marocains.
L’argumentaire accompagnant cette rencontre a rappelé que «l’USFP a toujours milité pour l’édification d’un Etat social. Depuis sa fondation et tout au long de son parcours politique, le parti s’est engagé en faveur de ce projet sociétal, avec un moment fondateur majeur sous le gouvernement dirigé par feu Abderrahmane El Youssoufi. »
Modérée par Jouad Chafik, membre du Bureau politique de l’USFP, cette session a réuni plusieurs intervenants de renom : le professeur universitaire Khalid Alioua, Khaoula Lachguar, membre du Bureau politique et coordinatrice de la commission des relations extérieures du parti, le professeur Mohamed Tarik, ainsi que l’analyste politique et économique Ali El Ghanbouri.
Mohamed Tarik
Concernant le soutien social, absence d’un réel impact et
inefficacité des politiques menées
Dans son intervention, Khalid Alioua a soulevé une question essentielle : « Quel Etat voulons-nous et quelle politique devons-nous adopter pour un développement équitable ? ». Il a indiqué que le monde, y compris le Maroc, traverse une période de transition, et que toute réforme efficace dépend de la performance de l’Etat et de ses institutions. Il a insisté sur la nécessité de soumettre les budgets, programmes et stratégies des institutions publiques à un véritable débat parlementaire.
Khalid Alioua
Soumettre les budgets, programmes et stratégies des institutions publiques
à un véritable débat parlementaire
Il a également appelé à une réflexion de fond sur les principes constitutifs de l’Etat social, estimant qu’il est temps d’en redéfinir les fondements et les priorités.
De son côté, Khaoula Lachguar a rappelé que l’USFP a toujours fait du projet d’un «Etat fort, d’une société solidaire et moderniste » l’un des axes centraux de son programme, afin de dépasser les blocages actuels. Elle a mis en lumière les limites du modèle de développement en vigueur jusqu’en 2019, arrivé à son terme, et qui a nécessité l’élaboration d’un nouveau modèle reposant sur une large concertation nationale.
Elle a insisté sur le rôle central que doivent jouer la santé et l’éducation dans l’édification de l’Etat social, mettant en garde contre les risques liés à un désengagement de l’Etat dans ces domaines, ce qui pourrait fragiliser le sentiment d’appartenance et menacer la cohésion nationale. Si le concept d’Etat social, longtemps défendu par l’USFP, a trouvé un écho au sein de l’Etat et de la société, sa mise en œuvre reste incomplète, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’emploi.
Elle a ainsi appelé à identifier de nouvelles solutions pour pallier les dysfonctionnements touchant le chantier de la protection sociale, en assurant notamment un financement stable et durable.
Le professeur Mohamed Tarik a, pour sa part, mis en avant la volonté politique clairement exprimée au plus haut niveau de l’Etat pour faire avancer le projet d’Etat social. Il a expliqué que les avancées dans ce domaine sont le fruit d’un long combat politique mené par le mouvement national.
Il a identifié cinq piliers fondamentaux de cet Etat social : l’éducation, la santé, la couverture médicale, la mise en œuvre des réformes et les mécanismes de soutien social. Il a en revanche critiqué la gestion néolibérale des institutions publiques de santé, qui privilégie le secteur privé, en contradiction avec les discours officiels.
Concernant le soutien social, il a regretté l’absence d’un réel impact et souligné l’inefficacité des politiques menées, qui ne permettent pas de réduire efficacement la pauvreté et la précarité. Il s’est interrogé : le soutien constitue-t-il réellement un levier d’émancipation économique pour les familles ? Il a en outre dénoncé une injustice fiscale qui favorise les classes aisées, ce qui est incompatible avec les principes d’un véritable Etat social.
Il a également affirmé que l’absence d’une gouvernance participative et la domination d’une logique technocratique traduisent un transfert des responsabilités politiques des ministères vers des agences nationales, au détriment de la redevabilité démocratique. Il a appelé à restaurer la crédibilité même du concept d’Etat social.
Ali El Ghanbouri
Nécessité de doubler le produit intérieur brut
pour satisfaire les attentes économiques et sociales
Enfin, Ali El Ghanbouri a mis en avant les difficultés concrètes de mise en œuvre des fondements de l’Etat social sur le terrain. Il a plaidé pour un retour au nouveau modèle de développement, fruit d’un consensus national, comme socle d’une stratégie permettant au Maroc de se hisser au rang des pays émergents à l’horizon 2035.
Abderrahim Manar Slimi
Le moment est venu non pas pour changer la
base constitutionnelle, mais pour réviser
certains éléments de la Constitution de 2011
Il a souligné la nécessité de doubler le produit intérieur brut pour satisfaire les attentes économiques et sociales, appelant à une croissance à la fois forte et inclusive. De même qu’il a insisté sur l’urgence de relever les grands défis économiques, notamment à travers une transition énergétique et agricole, ainsi qu’une meilleure gestion des déficits budgétaires. Il a conclu en précisant que la qualification du capital humain constitue un pilier essentiel dans l’édification d’un véritable Etat social au service des citoyens.
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