La Cour constitutionnelle déclare inconstitutionnels plusieurs articles du Code de procédure civile

La Cour constitutionnelle déclare inconstitutionnels plusieurs articles du Code de procédure civile
Anwarpress FR jeudi 7 août 2025 - 16:00
La Cour constitutionnelle vient de désavouer le gouvernement en déclarant l’inconstitutionnalité de plusieurs articles du projet de loi n°02.23 relatif au Code de procédure civile dont notamment l’article 17, transmis par le président de la Chambre des représentants dans le cadre du contrôle préalable de la conformité des lois à la Constitution.

L’article qui a suscité la controverse dans le projet de loi n° 02.23 relatif à la procédure civile est principalement celui n° 17. Ce dernier dispose que «le ministère public compétent, même s’il n’est pas partie à l’instance, et sans être tenu par les délais de recours prévus à l’article précédent, peut demander à faire déclarer nul tout jugement qui serait de nature à porter atteinte à l’ordre public, dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle ce jugement a acquis l’autorité de la chose jugée ».

La Cour constitutionnelle a jugé que l’article 17 (premier alinéa) n’est pas conforme à la Constitution, car « il n’a pas prévu de cas spécifiques dans lesquels le ministère public compétent peut déclarer la nullité des décisions judiciaires ayant acquis l’autorité de la chose jugée et susceptibles de porter atteinte à l’ordre public, et s’est contenté d’accorder cette autorité au ministère public compétent, en se basant sur ce motif, et a ainsi accordé au ministère public, demandant la déclaration de nullité, et à l’autorité judiciaire qui la décide, un pouvoir discrétionnaire inhabituel qu’il exerce de manière indépendante sans règles objectives déterminées par la loi ».

Selon la Cour constitutionnelle, cela «porte atteinte au principe de sécurité judiciaire»,  qui est un principe constitutionnel fondamental (articles 117 et 126 de la Constitution) qui vise à garantir la stabilité des décisions judiciaires.

La Cour constitutionnelle a également déclaré inconstitutionnel l’article 84 (quatrième alinéa) concernant la procédure de notification, car elle a estimé que cette disposition repose sur des suppositions plutôt que sur des certitudes, ce qui porte atteinte aux droits de la défense et à la sécurité judiciaire en violation de l’article 120 de la Constitution. La Cour a aussi invalidé les articles renvoyant à cette disposition : 97, 101, 103, 105, 115, 123, 127, 138, 173, 185, 196, 201, 204, 229, 312, 323, 334, 352, 355, 357, 361, 386, 439, et 500.

Le dernier alinéa de l’article 90 a été jugé contraire à la Constitution, car il autorise aux parties de participer à distance aux audiences sans garanties suffisantes (confidentialité, simultanéité), ce qui compromet la publicité des audiences et les droits de la défense, en violation des articles 120, 123 et 154 de la Constitution.

La Cour constitutionnelle a censuré d’autres articles du Code de procédure civile (comme les articles 107-dernier alinéa, 364-dernier alinéa, 288, 339-deuxième alinéa…) pour atteinte aux droits de la défense, car elle a jugé certaines de leurs dispositions floues ou ambiguës, contraires aux exigences de clarté législative ou conférant à l’exécutif des prérogatives portant atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Après ce camouflet, le ministère de la Justice s’est empressé de rendre public un communiqué dans lequel il a salué la décision de la Cour constitutionnelle, y voyant «une étape institutionnelle majeure» renforçant l’Etat de droit et la modernisation du système judiciaire marocain.

Il a mis en avant la vitalité des institutions, la primauté du droit et le dialogue entre les pouvoirs, dans le respect de la séparation des pouvoirs et des libertés fondamentales.

« Nous n’avons jamais craint le contrôle constitutionnel, bien au contraire : nous l’encourageons et le considérons comme une véritable garantie de l’Etat de droit », a affirmé le ministre de la Justice, précisant que les observations de la Cour constituaient une valeur ajoutée à la réforme et qu’il s’engageait à revoir les dispositions concernées, en coordination avec les parties prenantes.

Le gouvernement aurait dû éviter ce coup asséné par la Cour constitutionnelle. Il n’a pas eu le courage d’écouter les observations et les propositions judicieuses émanant des groupes de l’opposition, à leur tête le Groupe socialiste–Opposition ittihadie à la Chambre des représentants qui a clairement exprimé son opposition au projet de loi n° 02.23 relatif à la procédure civile, même après la deuxième lecture et les nombreux amendements apportés.

En juin dernier, la députée Malika Zakhnini a notamment mis en garde contre l’inconstitutionnalité de plusieurs articles du texte. Elle a demandé la saisine du Conseil constitutionnel en vue de garantir la conformité du projet à la Constitution, et ce afin de protéger les acquis démocratiques et les droits humains, tout en renforçant le rôle constitutionnel de la Chambre des représentants.

Dans une intervention au nom du Groupe socialiste-Opposition ittihadie, Malika Zakhnini a souligné que, malgré les amendements apportés à 167 articles — à la suite de 579 propositions, dont 180 ont été retenues par le gouvernement —, le projet de loi présente encore de «profondes lacunes» empêchant l’adoption d’un texte garantissant un système judiciaire équitable et efficace, respectueux des droits et fondé sur la responsabilité.

Malika Zakhnini a estimé que le projet manque encore de vision et de créativité pour répondre aux véritables défis du système judiciaire. Elle a notamment critiqué l’approche consistant à insérer des dispositions d’une loi dans une autre, estimant qu’elle ne favorise ni la clarté législative ni la confiance dans l’institution judiciaire.

A rappeler que le Groupe parlementaire de l’USFP a voté contre ce projet de loi, tout en réitérant la demande de saisine de la Cour constitutionnelle et en qualifiant cette démarche d’«exercice démocratique mature», conforme aux engagements de la Chambre des représentants et aux exigences d’un Etat de droit et de justice.

Mourad Tabet


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