Un pays qui tourne le dos à ses territoires les plus vulnérables tourne le dos à son propre avenir. Le Maroc de demain ne se construira pas seulement sur le littoral. Il se construira à Imilchil, Tata, Béni Tadjit… ou il ne se construira pas du tout
Cet engagement a été réitéré dans Son dernier discours à l’occasion de la Fête du Trône, où le Souverain a mis en avant la nécessité de valoriser le potentiel des régions excentrées, en les érigeant en pôles stratégiques de croissance inclusive et durable, au service de l’intérêt général.
Le constat à ce propos reste implacable: une grande partie du pays vit encore dans l’oubli. A Imilchil, Tata, Béni Tadjit et autres, on emprunte des pistes caillouteuses pour atteindre un dispensaire. On survit grâce à une agriculture précaire. On vit au rythme des saisons. Les jeunes partent, les villages se vident, et les promesses électorales s’évaporent dans l’air sec des hauts plateaux.
Et pourtant, le potentiel est là — presque insolent. Des terres à irriguer, des ressources minières à exploiter, un ensoleillement propice à l’énergie solaire, des vents constants pour l’éolien, un patrimoine local à valoriser, un artisanat porteur de valeur ajoutée… et surtout, une jeunesse prête à rester, à condition d’y trouver les moyens d’espérer.
Les solutions ne sont ni nouvelles ni inaccessibles. Elles sont connues, attendues, et urgentes : des routes pour désenclaver, des écoles ouvertes toute l’année, des médecins qui choisissent la montagne par conviction — mais aussi par incitation —, une agriculture vivrière soutenue, un tourisme durable, de la fibre optique pour connecter et surtout, un nouveau contrat politique avec ces territoires. Car le Maroc a trop longtemps subi sa géographie politique : les villes du littoral prospèrent, l’intérieur attend. Il est temps d’inverser cette carte invisible, de rompre avec une dynamique qui alimente les inégalités territoriales et nourrit les ressentiments.
Parmi ces régions oubliées, l’Oriental incarne à la fois un défi majeur et un espoir tenace. Prenons le cas de Béni Tadjit, modeste ville adossée au coffre-fort minier de Boudhar. Ici, le XXIe siècle s’est perdu en chemin. L’eau est rare, les routes longtemps impraticables, et les perspectives économiques quasi nulles. Seule la résilience de ses habitants permet à la ville de tenir debout.
Le paradoxe est cruel : Béni Tadjit regorge de ressources minières, de savoir-faire artisanaux, d’opportunités en énergies renouvelables… mais la population locale n’en bénéficie guère. Les ressources sont souvent exploitées sans redistribution. Le territoire se vide de ses talents, sans retour ni compensation. Le modèle est à bout de souffle. A cela s’ajoute une élite locale figée dans des logiques tribales ou clientélistes, plus occupée à entretenir ses réseaux qu’à construire un avenir collectif. Quant à la société civile, elle peine à émerger, minée par l’isolement, l’inertie ou dominée par des aboyeurs qui répètent des slogans rouillés par la salive et détachés des réalités d’aujourd’hui.
Béni Tadjit n’est pas une exception. Elle est un symbole. Celui d’un Maroc relégué, tenu à l’écart d’un développement à deux vitesses. Il ne s’agit pas de quémander, mais de revendiquer la justice. Ces territoires ne demandent pas l’aumône, mais leur juste place dans le projet national.
Les orientations Royales placent le gouvernement devant ses responsabilités. Elles ne sont pas seulement une feuille de route claire, mais aussi un rappel constant : l’action publique doit être guidée par l’intérêt général, l’équité territoriale et le développement inclusif. Ces Hautes orientations traduisent une vision stratégique fondée sur les aspirations légitimes des citoyens.
Le gouvernement ne peut plus se contenter de demi-mesures ou de promesses sans lendemain. Il doit traduire ces orientations en politiques concrètes, en réformes courageuses et en initiatives porteuses de changement réel. C’est un impératif moral, mais aussi une obligation institutionnelle. Il faut investir là où l’Etat s’est trop longtemps absenté. Infrastructures, soins, éducation, accès au numérique, valorisation des ressources locales : tout cela est à portée, à condition d’un véritable sursaut national.
L’heure n’est plus aux calculs politiques ni à la gestion de façade. Le Maroc d’aujourd’hui exige un leadership gouvernemental à la hauteur des ambitions Royales et des attentes du peuple. Le progrès ne peut être retardé par l’indécision ou l’inertie.

Un pays qui tourne le dos à ses territoires les plus vulnérables tourne le dos à son propre avenir. Le Maroc de demain ne se construira pas seulement sur le littoral. Il se construira à Imilchil, Tata, Béni Tadjit… ou il ne se construira pas du tout.
Le temps n’est plus à la compassion. Il est temps de réparer le Maroc abandonné.
Par Mohamed Lmoubariki
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