A quelques mètres du rivage, le Centre de se cours d’Aïn Diab, relevant du Commandement ré gional de la Protection civile de Casablanca-Settat, est niché dans une structure surélevée. Les sauve teurs veillent au grain. La mission, à haut risque, est menée par des hommes formés à lire la mer comme on lit un livre: topographie, houle, marée, courants… rien ne leur échappe. La tâche n’est pas de tout repos. A la plage d’Aïn Diab, l’affluence atteint jusqu’à 250.000 es tivants par jour les week-ends.
Pendant les 153 jours que compte la saison es tivale (du 1er mai au 30 septembre) la vigilance est constante. Dès 8h00, les équipes, toutes spécialités confondues, assistent au briefing quotidien. Chaque journée a ses propres consignes, dictées par les bulletins météo et l’état de la mer. Le mot d’ordre: prévoir l’imprévisible. Pour cela, des moyens lourds sont mobilisés: Jet-skis, planches de sauvetage, zodiacs, véhicules tout-terrain… tout est en place. Le centre abrite aussi l’équipe régionale de plongée, spécialisée dans les fouilles subaquatiques et les interventions spécifiques. L’entraînement est permanent, rigou reux et ajusté aux réalités du terrain. Ce jour-là, quelques minutes après le déploie ment des équipes, un jeune garçon est repéré en difficulté. Une intervention éclair, maîtrisée, sauve une vie. Cependant, toutes les opérations ne connaissent pas une fin heureuse, surtout lorsque les appels de secours parviennent de zones non surveillées, comme la plage d’Aïn Gueddid, à plus de 10 km (les plages sont surveillées par les équipes de la Protection civile lorsqu’elles sont aménagées pour la baignade).
Une scène parmi tant d’autres qui illustre l’im portance cruciale de la présence des équipes de se cours. Car sur les plages, l’organisation en amont peut faire toute la différence. En effet, à l’approche de chaque saison esti vale, la Direction générale de la Protection civile (DGPC) se mobilise, en coordination avec les au torités locales, pour garantir la sécurité des esti vants. « Chaque année, la DGPC déploie d’importants moyens humains et logistiques afin d’assurer la surveillance des zones de baignade les plus fréquentées du littoral national », explique le lieutenant-colonel Adil Haymoudi, chef du Centre de secours de la Protection civile d’Aïn Diab. Selon lui, ce dispositif permet d’anticiper les risques liés à la mer et d’intervenir efficacement en cas d’urgence.
Sur le terrain, les agents professionnels sont épaulés par de jeunes nageurs-sauveteurs saison niers (NSS). Ils sont recrutés et formés à cet effet par la Protection civile, sous la supervision d’en cadrants et de médecins. « Avant leur déploiement, ces jeunes suivent une préparation rigoureuse: techniques de sauvetage, gestes de premiers se cours, et surtout, communication avec le public”, explique M. Haymoudi, dans une déclaration à la MAP, notant que la formation aux techniques de communication est assurée en partenariat avec l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC). Leur mission est vitale : détecter les signes de détresse, intervenir rapidement, alerter les équipes, prodiguer les premiers soins. Mais la meilleure in tervention reste celle qu’on évite. « C’est pourquoi la prévention est au cœur de l’action de la DGPC. Une campagne nationale est reconduite chaque été, combinant dépliants, spots radio, messages numériques et sensibilisation directe sur les plages », précise-t-il.
La signalétique est renforcée: drapeaux, zones interdites balisées, mégaphones pour alerter les baigneurs, patrouilles à pied et en mer. « La mer peut paraître calme, mais elle est imprévisible. Et face à elle, la prudence est la seule garantie de ren trer sain et sauf », prévient le lieutenant-colonel Haymoudi. Une vigilance d’autant plus nécessaire que les chiffres sont alarmants. Selon les statistiques de la DGPC, entre le 1er mai et le 15 juillet 2025, un total de 14.040 cas de noyade a été enregistré au Maroc.
Parmi ces cas, 13.970 personnes ont été sauvées, 49 sont mortes noyées, et 21 sont portées disparues. Dans les zones surveillées, 16 décès et 3 disparus ont été recensés, contre 33 décès et 18 disparus dans les zones non surveillées.
Dans la région de Casablanca-Settat, 3.144 cas ont été signalés, dont 14 morts et 14 disparus. 2.541 cas sont survenus en zones surveillées, contre 603 en zones non surveillées. Ces chiffres rappellent une vérité simple mais implacable : le respect des consignes et la pru dence face à la mer peuvent sauver des vies.
Courants invisibles, trous entre les rochers, mouvements de marée imprévisibles : autant d’éléments qui transforment une simple baignade en un danger mortel. « Ce n’est pas parce qu’on s’est baigné en sécurité hier que le même endroit le sera au jourd’hui », insiste-t-il. « La mer n’emporte que les bons nageurs », rappelle-t-il, fai sant allusion à un vieil adage ma rocain, confirmé par les faits. « Les jeunes les plus confiants, ceux qui surestiment leurs capa cités, sont souvent les plus expo sés ». Et les statistiques le confirment : les noyades sont fré quentes chez les 14-25 ans, fait-il savoir. M. Haymoudi alerte parti culièrement contre les zones non surveillées. « Il nous faut 10 à 15 minutes pour atteindre un noyé dans un spot isolé. Et c’est sou vent trop tard », explique-t-il. En effet, à chaque période es tivale (du 1er mai au 30 septem bre), les agents de la Protection civile sont déployés sur les plages, aux côtés de jeunes nageurs-sau veteurs saisonniers (NSS).
Ils veillent, scrutent l’horizon, guettent le moindre signe de dé tresse. Leur mission est primor diale, mais ils répètent sans re lâche : rien ne remplace la pru dence individuelle. Les experts de la Protection civile insistent : ne jamais se bai gner dans une zone non surveil lée, respecter les drapeaux de sécurité (le drapeau rouge signifie danger, le noir interdit la bai gnade. Le jaune, lui, invite à la prudence même en zone surveil lée), ne pas surestimer ses capa cités physiques et éviter les baignades en solitaire sont des consignes vitales. Les enfants doivent être constamment surveillés, même avec des brassards ou bouées. « Une noyade peut survenir en moins d’une minute », rappelle un nageur-sauveteur saisonnier.
L’hydrocution (choc ther mique lié à une entrée brutale dans l’eau) est aussi à l’origine de nombreux cas de noyade. Il est donc crucial d’entrer progressive ment dans l’eau, surtout après une longue exposition au soleil ou un repas copieux. Pour les secouristes, chaque intervention est une course contre la montre. « On a une fe nêtre de 3 à 5 minutes pour espé rer sauver quelqu’un. Chaque seconde compte », dit un jeune sauveteur. C’est pourquoi la pré vention et la responsabilisation de chacun sont essentielles. Un geste simple, une consigne res pectée, une baignade reportée peuvent faire la différence entre la vie et la mort.
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