Le secteur pharmaceutique marocain est au bord de l’asphyxie, confronté à des menaces graves qui mettent en péril sa pérennité. Face à cette situation critique, Hassan Ataiche, président de la Chambre syndicale des pharmaciens d’officine de Fès, lance un appel à la mobilisation massive lors du « Sit-in de la dignité » qui sera organisé mardi 9 septembre devant le siège du ministère de la Santé. Selon lui, l’objectif est clair : sauver ce qu’il reste d’un secteur vital de la santé publique.
En effet, depuis plusieurs mois, les pharmaciens multiplient les appels et les actions et interpellent le ministère de la Santé sur la nécessité de revoir la politique tarifaire du médicament et de soutenir leurs établissements, au-delà de la simple dispensation des traitements.
Lancée par une série de communiqués, suivie d’un mouvement de protestation mêlant grèves nationales, gestes symboliques comme le port du brassard noir et sit-in, la mobilisation des pharmaciens vise à dénoncer une gestion «chaotique» consacrée par la baisse des prix des médicaments. Cette politique, selon eux, a entraîné une raréfaction inquiétante de certains produits, y compris des médicaments essentiels, mettant en péril l’accès aux soins pour la population marocaine.
Dans un entretien accordé à notre alter ego Al Ittihad Al Ichtiraki, Hassan Ataiche brosse un tableau sombre d’un secteur où la gouvernance défaillante, la détérioration des conditions économiques et le prix unique non adapté pourraient conduire à une menace imminente de faillite pour près d’un tiers des officines, soit environ 4000 établissements.
«Plus de 30% des pharmacies ont un revenu net inférieur à 5900 dirhams par mois, un montant insuffisant pour couvrir les coûts minima, ce qui pourrait entraîner la faillite d’un tiers des officines, soit environ 4000 pharmacies exposées au risque de cessation d’activité. Cela a motivé un mouvement de protestation s’étendant du 18 août au 9 septembre 2025, avec des actions symboliques et une manifestation devant le ministère de la Santé pour dénoncer l’absence de prise en considération des difficultés du secteur », a-t-il fait savoir.
Selon lui, l’application actuelle du projet de décret sur la révision des prix des médicaments pourrait entraîner une baisse du chiffre d’affaires des pharmacies de 25 à 30%, alors que les coûts d’exploitation et les charges fiscales augmentent continuellement, ce qui augure un risque de faillite collective. Les professionnels insistent sur la nécessité d’un rééquilibrage juste entre accès aux médicaments pour le citoyen et viabilité économique des pharmacies.
Cette crise ne se limite pas à la sphère professionnelle : elle impacte directement le citoyen marocain qui, face à la pénurie ou à l’absence de médicaments, est obligé de parcourir de longues distances ou de renoncer à son traitement. Ces difficultés touchent surtout les populations rurales et les personnes souffrant de pathologies chroniques, ce qui compromet gravement leur santé et, parfois, leur vie.
Hassan Ataiche souligne que la baisse des prix doit s’accompagner d’un équilibre entre le droit des patients à un médicament accessible et celui des pharmaciens à une rémunération juste garantissant la pérennité de leurs officines. Il met en garde contre une réforme du système de tarification qui, dans sa version actuelle, pourrait réduire le chiffre d’affaires des pharmacies de 25 à 30%, alors que les coûts d’exploitation et les charges fiscales ne cessent d’augmenter.
Par ailleurs, la disparition progressive des jeunes pharmaciens du marché est un autre effet néfaste de cette crise. Beaucoup font face à des conditions économiques difficiles dès l’ouverture de leur officine, souvent marquée par un endettement important et des obstacles à la rentabilité. Cette situation pousse certains à abandonner la profession ou à émigrer, risquant ainsi une fuite des compétences au détriment du système de santé national.
Le dialogue entre le ministère de la Santé et les acteurs du secteur, présenté comme «participatif» par les autorités, est largement critiqué par les professionnels qui le considèrent comme purement formel, sans prise en compte réelle des revendications. Les pharmaciens appellent à une suspension immédiate du projet de décret sur la tarification des médicaments et à l’ouverture d’un réel dialogue impliquant tous les partenaires, dans le souci de préserver à la fois la qualité des soins et la viabilité économique des officines.
Enfin, la problématique de la concurrence déloyale, notamment la vente de médicaments à des prix élevés en dehors des officines, et le recours aux génériques moins coûteux sont des enjeux que le secteur souhaite voir encadrés par des mesures de contrôle renforcées.
En somme, face à la dégradation de cette situation, les pharmaciens du Maroc maintiennent leur mobilisation, conscients qu’il s’agit non seulement de défendre leur profession, mais aussi d’assurer la santé et la sécurité de millions de Marocains qui dépendent quotidiennement de leurs services.
Mourad Tabet
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