Dans un communiqué empreint de gravité, elle dénonce la lenteur préoccupante dans la mise en œuvre des engagements convenus et avertit que l’avenir du système de santé se joue aussi dans le sort réservé à cette génération de praticiens.
L’accord conclu il y a plusieurs mois avait pourtant été salué comme une étape, certes minimale, mais décisive vers l’apaisement d’un climat tendu. Les concessions arrachées de part et d’autre de la table de négociations devaient ouvrir la voie à une reconnaissance tangible des droits des internes et résidents en médecine, odontologie et pharmacie. Or, la concrétisation tarde à se matérialiser. Ce temps perdu nourrit une frustration croissante, creuse l’écart entre la parole et l’acte, et installe un sentiment de désillusion chez ceux qui avaient accepté de faire confiance à l’Etat.
Les représentants des internes et résidents refusent de réduire ce débat à une simple querelle corporatiste. Ils rappellent que leur place dans le dispositif de soins est tout sauf marginale. Dans les hôpitaux universitaires et les établissements de santé, ces jeunes médecins et dentistes assurent une part essentielle de la prise en charge quotidienne. Les retards qui pèsent sur leurs conditions de travail ne sont donc pas un problème isolé. Ils touchent directement à la qualité des soins offerts aux citoyens. Derrière la question des primes, des horaires, ou des perspectives de carrière, se cache une interrogation plus vaste : quel avenir veut-on pour la médecine hospitalo-universitaire au Maroc ?
La CNIR insiste sur ce point : l’incertitude actuelle risque d’éroder l’attractivité de professions déjà fragilisées par la pénurie et la fuite des compétences. Chaque année, des centaines de jeunes médecins formés à grands frais choisissent l’exil, lassés de promesses sans lendemain. Si la situation perdure, c’est un cercle vicieux qui se refermera sur le système : moins de médecins motivés, des services hospitaliers sous tension, une dégradation de la qualité des soins et, au final, un citoyen qui paie le prix de l’inaction.
Pourtant, la CNIR se garde d’adopter une posture de rupture. Elle se veut attachée au dialogue, à la recherche de solutions réalistes et durables. Ses membres rappellent qu’ils n’ont jamais fermé la porte, qu’ils se sont tenus disponibles à chaque étape pour construire une issue responsable. Mais à mesure que les délais s’allongent, la confiance s’effrite. Et ce manque de visibilité transforme la patience en inquiétude.
Dans son communiqué, l’instance va plus loin. Elle appelle à une reprise rapide, sincère et crédible des discussions, estimant que seul un dialogue honnête permettra de préserver à la fois les droits des médecins en formation et la stabilité du système de santé. A défaut, ses structures locales seront bientôt réunies pour décider des actions à entreprendre. La menace de nouvelles mobilisations n’est pas écartée, même si la priorité affichée reste celle de l’apaisement et du respect des engagements pris.
Cette alerte sonne comme un avertissement adressé au ministère mais aussi, au-delà, à l’ensemble des décideurs politiques. Elle met en lumière un paradoxe que notre pays ne peut plus ignorer : comment prétendre réformer et renforcer le système de santé si l’on néglige ceux qui en incarnent l’avenir ? Comment exiger de jeunes médecins qu’ils se dévouent corps et âme au service public, tout en les condamnant à l’incertitude et à la précarité ?
Dans un contexte où le Maroc affiche l’ambition de généraliser la couverture sanitaire et de renforcer l’offre hospitalière, il devient urgent de traiter les internes et résidents non comme un rouage interchangeable, mais comme un pilier stratégique. Leur bien-être professionnel et leur reconnaissance sociale sont indissociables de la qualité du service rendu aux citoyens. La CNIR ne dit pas autre chose : garantir les droits de ceux qui soignent aujourd’hui, c’est investir dans la santé de demain.
La balle est dans le camp du ministère. Retarder encore la mise en œuvre des engagements serait courir le risque d’un affrontement inutile, d’une démobilisation durable et d’un affaiblissement collectif. Le Maroc ne peut se permettre de perdre cette bataille. L’histoire récente a montré que les crises sociales dans le secteur de la santé ne se règlent jamais par l’attentisme. Elles s’enveniment, minent la confiance et finissent par exploser au grand jour.
Il appartient donc aux autorités d’agir vite, de prouver que la parole donnée n’est pas une simple promesse, mais un contrat moral avec toute une génération de médecins. Faute de quoi, c’est la crédibilité de l’Etat qui sera mise en cause, et avec elle, la solidité de notre système de santé.
Mehdi Ouassat
Commentaires
0