Influent sur la scène internationale, le chef de l’Etat pèse également sur la politique du continent
L’inamovible dirigeant de 77 ans est président d’un des pays les moins peuplés du continent (environ un million d’habitants), mais il a su exploiter sa position stratégique, aux confins de l’Afrique et de la péninsule arabique, qui l’ont rendu incontournable et influent sur la scène internationale.
Samedi, il a annoncé qu’il serait candidat à un sixième mandat, moins d’une semaine après la suppression par une Assemblée nationale acquise à sa cause d’un verrou constitutionnel qui l’empêchait de se représenter.
La Constitution limitait à 75 ans l’âge pour être candidat à la présidentielle.
« IOG » est né en 1947 à Dire-Dawa, en Ethiopie voisine, où son père était cheminot. Il rentre au pays à l’âge de 13 ans et arrête ses études quelques années plus tard. Sa carrière débute dans la police, d’où il sera évincé pour avoir milité en faveur de l’indépendance de Djibouti, alors colonie française.
En 1977, lorsque le pays devient indépendant, son premier président, Hassan Gouled Aptidon, le nomme au poste stratégique de chef de cabinet, position qu’IOG gardera plus de 20 ans. Il cumule cette fonction avec celle de chef des services de sécurité et de renseignements, un poste hautement sensible dans un pays fragilisé par les dissensions entre Issa et Afar, les deux grandes communautés du pays.
Contrôle absolu
Ismaël Omar Guelleh, qui arbore une barbe poivre et sel, une légère calvitie et un embonpoint, est un Issa, comme son mentor. Les Afar s’estiment marginalisés.
En 1999, Hassan Gouled Aptidon se retire du pouvoir. Son dauphin prend sa suite, élu puis réélu facilement à chaque scrutin avec plus de 75% des suffrages. Lors de la dernière élection, en 2021, il s’arroge plus de 97% des voix.
Ses différents mandats ont été marqués par un exercice autoritaire du pouvoir, réprimant les libertés d’expression et de la presse (le pays figure au 168e rang sur 180 dans le classement de RSF), mais aussi par un important développement économique marqué par des infrastructures portuaires.
En 2010, au terme de son deuxième mandat, un Parlement acquis à sa cause vote une réforme de la Constitution supprimant la limite de deux mandats. Ismaël Omar Guelleh promet alors que ce sera sa dernière course à la présidentielle.
Cette nouvelle candidature du chef de l’Etat n’est pourtant pas une surprise, selon des observateurs.
»Aucun successeur ne semble émerger pour lui succéder », estime Sonia le Gouriellec, spécialiste de la Corne de l’Afrique et professeure à l’Université catholique de Lille.
Ismaël Omar Guelleh se représente « en raison de son contrôle absolu sur le système politique et la faiblesse d’une opposition qui se montre plutôt fragmentée ou exilée », ajoute-t-elle.
Polyglotte
« Il y a une absence totale de préparation » de l’après-IOG, affirme de son côté un chercheur djiboutien, spécialiste de la vie politique du pays, ayant requis l’anonymat, tout en reconnaissant au chef de l’Etat d’avoir fait un « bon travail en matière de politique étrangère ».
Car ce polyglotte (il parle six langues, italien, français, anglais, somali, arabe et amharique) a misé sur la position stratégique de son pays, ancré sur le détroit de Bab-el-Mandeb qui contrôle l’accès à la mer Rouge depuis le golfe d’Aden, pour accueillir plusieurs bases militaires étrangères.
Des militaires français, américains, japonais et chinois sont ainsi présents dans le pays.
IOG a également parié sur le développement des infrastructures maritimes et logistiques et attire des capitaux étrangers, dont ceux de Dubaï.
Influent sur la scène internationale, le chef de l’Etat pèse également sur la politique du continent.
Un de ses plus proches fidèles, Mahamoud Ali Youssouf, qui a servi pendant près de 20 ans comme ministre des Affaires étrangères, a été élu en février à la tête de la Commission de l’Union africaine.
Malgré cette mainmise, des rumeurs persistantes évoquent la détérioration de l’état de santé du président et l’influence grandissante de sa femme, Kadra Mahamoud Haïd, une figure-clé du régime, issue, comme son mari, du sous-clan des Mamassan.
Cet éventuel sixième mandat sera-t-il le dernier pour « IOG »? Pour Sonia le Gouriellec, il faudra au préalable trouver « un successeur clairement accepté par les différents sous-clans » pour « éviter une instabilité interne que le régime cherche à tout prix à éviter ».




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