Amine Kessaci : Le militant forgé dans la tragédie du narcotrafic à Marseille

Amine Kessaci : Le militant forgé dans la tragédie du narcotrafic à Marseille
Anwarpress FR jeudi 20 novembre 2025 - 14:30
« Hier j’ai enterré mon frère et aujourd’hui je parle » : à seulement 22 ans, Amine Kessaci, gamin prodige des quartiers populaires de Marseille, est décrit comme un « combattant », jeté dans le militantisme contre le trafic de drogue par la tragédie qui a touché sa famille.

Son visage rond, encore enfantin, à peine vieilli par la barbe, s’affiche régulièrement sur les plateaux de télévision : Amine Kessaci porte la voix des quartiers populaires, à chaque nouvel homicide lié au narcobanditisme dans la deuxième ville de France.

Il portait déjà « sur ses épaules de gamin le poids de la mémoire de Brahim », comme l’explique à l’AFP son amie Katia Yacoubi, en référence au grand frère d’Amine, tué en 2020 dans un narchomicide.

Maintenant, il a aussi celle de Mehdi, assassiné la semaine dernière, un « crime d’intimidation » dénoncé par le gouvernement, dans cette ville régulièrement secouée par des meurtres liés à la guerre des gangs pour le contrôle des points de vente de stupéfiants.
« Il n’était coupable que d’être mon frère », a écrit mercredi le militant dans une tribune au journal Le Monde.
Amine Kessaci ne se taira pas, martèle-t-il dans cette tribune. C’est un « combattant », assure Katia Yacoubi.

Cette ex sans-papiers, qui a vécu dans des logements insalubres avant de devenir travailleuse sociale et militante, partage avec lui « la trajectoire de ceux qui ont un combat ».
Rêvant d’être avocat, il avait entamé des études de droit à l’Université d’Aix-Marseille.
« Un homme qui se lève et qui dit non, Amine Kessaci, c’est ça. C’est l’avocat de toutes les familles », a relevé mercredi Frédéric Ploquin, journaliste spécialisé dans le grand banditisme.

Le pouvoir des mots

Jeune militant de quartier devenu figure publique en 2021, il décroche la même année son bac avec mention très bien. Face au président Emmanuel Macron, venu à Marseille présenter un plan pour aider la cité à rattraper ses retards, assis sur un petit canapé d’un local associatif, il lance au chef de l’Etat du haut de ses 17 ans : « Ça ne sert à rien de venir avec un plan qui vient de Paris », il faut le construire « avec nous ».
Et d’ajouter : « Tant qu’on ne combattra pas cette misère, on n’éradiquera pas ces trafics de drogue ».
« C’est là qu’Amine a découvert le pouvoir qu’il avait, le pouvoir des mots », analyse Katia Yacoubi.

Quand l’AFP l’a rencontré en juin 2024, à l’occasion des élections européennes pour lesquelles il figurait sur la liste des Ecologistes, Amine Kessaci a expliqué qu’il avait toujours su qu’il voulait faire de la politique.
Il raconte son goût de la lecture, et comment, tout petit déjà, il préférait la chaîne de télévision parlementaire Public Sénat aux dessins animés.

Dans son livre publié à la rentrée, « Marseille essuie tes larmes », Amine plante le décor de son enfance dans la cité sensible de Frais-Vallon, choyé par une mère algérienne, Ouassila, qui a grandi dans une famille « modeste mais pas ignorante ».
Une femme qui marche « la tête haute », à la tête d’une famille de six enfants de deux pères différents, et qui a scolarisé ses enfants dans le centre-ville.

Maman, elle n’a pas reculé

Une enfance marquée aussi par les « battues nocturnes » qu’il décrit dans son livre, pour retrouver Brahim, le grand frère, enrôlé dans le trafic de drogue.

Sa mère qui conduit « en état de transe », les deux autres frères à l’arrière. Il se rappelle cette nuit où Ouassila a fait face au gérant d’un point de vente de drogue, qui braque une arme sur elle quand elle appelle la police. « Je me suis juste pissé dessus », avoue-t-il, « Maman, elle, n’a pas reculé ».

En décembre 2020, Brahim est tué dans un triple homicide d’une exceptionnelle cruauté : son corps est retrouvé calciné dans une voiture aux côtés de deux de ses amis, dont l’un a été démembré avant d’être brûlé.

C’est ce massacre, et la détresse des familles, qui pousse Amine à fonder son association Conscience. Ensuite, il passe « naturellement » à la politique, comme le décrit Katia Yacoubi.
Candidat de la gauche unie aux législatives en 2024 dans le nord de Marseille, il est battu de justesse au second tour par la députée sortante d’extrême droite.

Ses ambitions ont aussi suscité des crispations, notamment chez les acteurs de terrain, comme les autres associations de familles de victimes, pour qui ces causes doivent rester apolitiques.
Aujourd’hui, toutes louent « le grand courage, la dignité » d’Amine et ses proches.


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