A 82 ans, le démocrate en est réduit à espérer que le temps, qui a joué si cruellement contre lui, jette au fil des ans une lumière plus favorable sur son unique mandat.
« A votre tour de monter la garde », a-t-il lancé mercredi à ses compatriotes, en s’inquiétant de voir tomber l’Amérique aux mains d’une « oligarchie » dominée par les magnats de la tech.
Seulement 36% des Américains portent un regard positif sur la présidence du natif de Scranton, une ville ouvrière de Pennsylvanie (est), selon un sondage publié mercredi par la chaîne CNN.
En 2019, Joe Biden avait assuré que Donald Trump « resterait dans l’histoire comme une aberration passagère ».
C’est pourtant son mandat qui fait aujourd’hui figure d’anomalie, ou d’ultime hoquet d’une époque révolue, face aux violentes mutations sociales, culturelles et économiques de l’Amérique.
A 82 ans, le démocrate en est réduit à espérer que le temps, qui a joué si cruellement contre lui, jette au fil des ans une lumière plus favorable sur son unique mandat
Il se voit même reprocher d’avoir favorisé le « comeback » du milliardaire de 78 ans par son obstination à briguer un second mandat, jusqu’à ce qu’il cède la place en catastrophe à la vice-présidente Kamala Harris l’été dernier.
En lançant sa campagne de réélection au printemps 2023, Joe Biden faisait cet aveu désarmant: « Si j’essaie de deviner quel âge j’ai, je n’arrive même pas à dire le chiffre. Cela n’imprime pas. »
Ce qui a bien « imprimé », en revanche, ce sont ses gaffes à répétition, son élocution de plus en plus embrouillée et sa démarche chaque jour plus raide.
Ce fervent catholique se sentait investi d’une mission presque plus spirituelle que politique: sauver l' »âme » d’un pays tourmenté.
Moqué enfant pour son bégaiement, « Joey » s’en débarrasse seul en récitant de la poésie. « Ne te prosterne jamais, ne plie jamais, ne cède jamais », lui répète sa mère, fière descendante d’immigrés irlandais.
Il se lance en politique pendant la guerre du Vietnam. L’étudiant en droit échappe aux combats grâce à des exemptions, le mouvement pacifiste laisse de marbre cet indécrottable modéré.
En 1972, à seulement 30 ans, Joe Biden est élu sénateur démocrate du Delaware (est).
Peu après, sa femme Neilia meurt dans un accident de voiture avec leur fille encore bébé. Leurs deux garçons Beau et Hunter sont blessés mais survivent.
Avec la professeure d’anglais Jill Biden, épousée en secondes noces et mère de sa fille Ashley, il affronte la mort en 2015 de son aîné adoré, Beau, d’un cancer du cerveau. Puis le couple, extrêmement soudé, s’efforce de soutenir Hunter, aux prises pendant des années avec l’alcool et le crack et empêtré dans plusieurs affaires judiciaires.
De ces drames, Joe Biden a tiré une capacité d’empathie incontestable et une résilience peu commune. Il fallait ça pour se lancer quatre fois à la conquête de la Maison Blanche: en 1988, 2008, 2020 et 2024.
Il aura réussi une seule fois, battant Donald Trump après une campagne en mode mineur pour cause de Covid-19.
Le 46e président des Etats-Unis a jugulé la pandémie, relancé l’économie, renoué les alliances internationales. Il a lancé d’immenses projets de transition énergétique, de réindustrialisation et d’infrastructures, léguant à son successeur et prédécesseur une conjoncture robuste.
Mais le chaotique retrait militaire d’Afghanistan à l’été 2021 a très vite ébranlé son mandat. Puis une forte poussée d’inflation a envoyé sa popularité par le fond.
Ni l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, à laquelle il a réagi en orchestrant le soutien occidental, ni son soutien inconditionnel à Israël dans la guerre à Gaza, à partir de 2023, n’ont réussi à corriger l’impression de faiblesse donnée par le président octogénaire.
Donald Trump l’a exploitée sans pitié, se posant en seul rempart face à ce qu’il décrit comme le « déclin » de la première puissance mondiale.
Après le coup de massue de la victoire du milliardaire républicain, le 5 novembre, Joe Biden a mené une transition parfaitement civile avec un adversaire qu’il avait traité de danger pour la démocratie, s’efforçant d’incarner jusqu’au bout une certaine idée de la droiture et de la dignité.
Le 1er décembre, le président sortant a pourtant pris le risque de saper l’image qu’il espère laisser au soir d’un demi-siècle en politique. Revenant sur sa parole, il a accordé in extremis à son fils Hunter, aux prises avec la justice, une grâce présidentielle étendue.
« Pour moi, la famille c’est tout », a-t-il lâché mercredi en faisant ses adieux au pays.
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