Lancée officiellement en 2023 avec la mise en consultation d’un avant-projet de modification, cette réforme se voulait ambitieuse, visant à intégrer de façon cohérente les réalités du e-commerce, à mieux encadrer les pratiques commerciales (notamment les promotions) et à définir clairement les responsabilités des plateformes numériques.
Toutefois, trois ans plus tard, le statut de cette réforme reste quasi suspendu, sans avancée concrète ou calendrier officiel. Une situation d’autant plus incompréhensible que le débat législatif est clos et que les propositions de modifications ont été finalisées.
Indignation des associations de consommateurs
Dans un communiqué rendu public dernièrement, la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC) n’hésite pas à parler de «mépris» et «d’indifférence» envers les droits fondamentaux des consommateurs marocains. Pour ses dirigeants, ce retard traduit une véritable irresponsabilité politique et administrative. Pire encore, le ministère de tutelle se montre incapable de fixer un délai clair pour la mise en place de ce projet, ni même de justifier ce blocage administratif, précise le communiqué.
Ces critiques résonnent d’autant plus fort que la loi actuelle accuse le poids du temps. Adopté initialement en 2009, le texte reste largement inadapté aux mutations récentes, notamment la croissance exponentielle du commerce en ligne. Dans ce contexte, l’absence de protections renforcées expose les consommateurs à des pratiques commerciales injustes et à un déficit flagrant de transparence. La flambée des prix, les monopoles non régulés, les clauses abusives ou encore le flou autour des crédits gratuits sont autant de défis que le cadre légal actuel peine à réguler, explique le communiqué.
Conseil consultatif supérieur toujours en suspens
L’un des points particulièrement critiqués est l’éternel report de la création du Conseil consultatif supérieur de la consommation, un organe pourtant prévu dès 2011 pour réguler et défendre les intérêts des consommateurs. Malgré les promesses et les articles prévoyant sa mise en place, il n’a jamais vu le jour, laissant un vide institutionnel majeur.
Le Fonds de soutien à la protection du consommateur, une autre mesure phare de la loi 31-08, est également resté lettre morte, privant les associations de moyens vitaux pour défendre les consommateurs.
Projet « partiel » et conservateur
L’avant-projet de réforme de la loi 31-08 sur la protection du consommateur, bien qu’il apporte certaines nouveautés notables, suscite de nombreuses réserves, notamment de la part des associations de consommateurs telles que la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC). Pour ces acteurs, cette révision partielle ne répond pas aux enjeux globaux et actuels exigés par la réalité économique et sociale du Maroc.
Révision jugée partielle et insuffisante
La FNAC déplore que, malgré plus d’une décennie depuis l’adoption de la loi initiale, cette réforme apparaisse comme un simple ajustement ponctuel. Contrairement à une refonte totale et urgente, ce projet maintient une vision fragmentée qui ne prend pas en compte la complexité croissante du marché et les défis liés à l’essor du commerce numérique et des nouvelles pratiques commerciales. En particulier, certains points fondamentaux restent en suspens, comme la mise en place effective du Conseil consultatif supérieur de la consommation, un organe clé pour la régulation et la défense des consommateurs, ainsi que la création d’un fonds de soutien dédié.
Certains progrès mais encore limités
Malgré ces critiques, l’avant-projet introduit quelques dispositions progressistes, par exemple une définition plus précise du crédit gratuit, excluant non seulement les intérêts mais aussi tous les autres frais déguisés, notamment les frais de dossiers, qui étaient utilisés pour contourner la loi actuelle. Ces avancées, même si elles sont saluées, ne suffisent pas à compenser l’ampleur des lacunes identifiées dans le projet.
Urgence à repenser la loi globalement
La FNAC insiste donc sur la nécessité d’une refonte globale, d’un travail de fond qui permettrait d’en faire une loi réellement efficace et protectrice, reflétant le contexte actuel marqué par la digitalisation, la mondialisation et la complexification des pratiques commerciales. Selon l’association, une vision partielle et trop lente risque d’aggraver la vulnérabilité des consommateurs et de maintenir un déséquilibre au détriment des citoyens.
Droit constitutionnel suspendu
Pour la FNAC, la protection du consommateur est inscrite comme un droit constitutionnel au Maroc, et représente un pilier essentiel pour le développement économique et social. A l’heure où les ménages marocains font face à une inflation galopante et à une complexification des pratiques commerciales, ce retard législatif apparaît comme une injustice criante contre la majorité des citoyens.
Face à cette inertie, les associations annoncent la mise en place de comités de suivi et promettent de porter leurs revendications au Parlement, afin de ne plus accepter ce déni de droit et de moderniser enfin un cadre juridique devenu obsolète.
La réforme de la loi 31-08, attendue de longue date et nécessaire pour une meilleure protection des consommateurs marocains, demeure donc une promesse non tenue. Son blocage illustre un retard inquiétant dans l’adaptation des institutions aux défis économiques et sociaux actuels, ainsi qu’un profond dysfonctionnement dans la gestion des priorités législatives. Plus qu’une simple affaire technique, c’est une question de justice sociale et de démocratie économique, conclut le communiqué.
Hassan Bentaleb
Commentaires
0